“L’esprit de plaisir” ou l’érotisme au Japon

Du culte du samouraï à celui des geishas en passant par le corsetage des moeurs, cet essai retrace l'histoire de l’hédonisme nippon.

25.03.2021

TexteClémence Leleu

© Rijksmuseum

En s’appuyant sur une multitude de références textuelles et picturales, L’esprit de plaisir — Une histoire de la sexualité et de l’érotisme au Japon décrypte l’évolution de l’appréhension des corps et de leur désir au fil des siècles dans l’archipel. Un travail réalisé en duo par Philippe Pons, correspondant du journal Le Monde à Tokyo, et Pierre-François Souyri, professeur honoraire à l’université de Genève et spécialiste du Japon, qui prend soin de ne pas observer les mœurs nippones avec un prisme occidentalisant.  

L’ouvrage débute au XVIIème siècle, alors que la figure virile du samouraï est l’objet du désir tant féminin que masculin. Un corps de guerrier sanctifié, qui perd peu à peu de sa superbe, alors que le rapport de la société japonaise à l’écriture se renforce. La fin du XVIIIème siècle signe le déclin de l’amour des muscles saillants couplés à un machisme débridé, qui laisse place à un attrait pour l’homme lettré, à la sensualité plus subtile. 

Les auteurs abordent également la nudité à laquelle il n’est, au Japon, conféré aucun érotisme. Par l’intermédiaire des bains, que femmes, hommes et enfants partagent, le corps nu n’est pas lié à une imagerie sexuelle. En témoigne la faible représentation de corps intégralement nus sur les estampes érotiques shunga. C’est derrière le tissu, dans ce qui est soustrait aux regards, que l’érotisme nippon se révèle. Un érotisme loin d’être tabou, l’ouvrage expliquant que les estampes érotiques ou pornographiques étaient observées en famille, à visée éducative. 

 

Le tour de vis de l’ère Meiji

Une légèreté que viendra corseter l’ère Meiji (1868-1912), alors que le Japon s’ouvre au monde. La modernisation du pays passe également par une domestication des corps. Avec l’arrivée des Occidentaux, les codes sont bouleversés, et survient alors un modèle puritain à l’esprit victorien réprimant nudité, homosexualité et plaisir. L’Occident façonne alors les contours du nouvel imaginaire érotique japonais, avant que la société ne se relâche dans les années 1920, avec l’apparition des modern girls, et le retour d’une liberté sexuelle, somme toute relative.

L’ouvrage se clôt à la fin des années 1950, qui coïncide avec la fermeture des quartiers de plaisir japonais, où régnaient les courtisanes, rebattant les cartes de la sexualité tarifée. L’esprit de plaisir — Une histoire de la sexualité et de l’érotisme au Japon éclaire ainsi non seulement l’évolution de la société nippone mais aussi l’impact qu’a eu l’Occident sur l’appréhension et l’exercice de l’érotisme japonais. 

 

L’esprit de plaisir — Une histoire de la sexualité et de l’érotisme au Japon (2020), un ouvrage de Philippe Pons et Pierre-François Souyri, édité par Payot Rivages

© Payot Rivages