L'”Éloge de l’ombre”, texte incontournable sur l’esthétique japonaise

02.06.2019

TexteJessica Saxby

©Samuel Zeller

Publié pour la première fois en japonais en 1933, l’Éloge de l’ombre de Jun’ichiro Tanizaki témoigne de l’intemporalité de l’esthétique japonaise.

En allant jusqu’à considérer les toilettes comme un espace propre à la contemplation, à la méditation, « un lieu de repos spirituel », Tanizaki se délecte des détails du design. Vous vous demandez peut-être comment l’auteur parvient à disserter lyriquement sur trois pages sur l’enchantement provoqué par des toilettes japonaises, mais ce sont pourtant ses plus fins détails qui définissent cette esthétique — un certain degré de luminosité, une propreté absolue et la quiétude, la mousse, mouillée par la pluie, la caractère intime des gouttes de pluie tombant des feuilles des arbres.

Parmi les autres descriptions à couper le souffle, citons la patine fumée d’une coupe de saké en argent usée, le brillant de la laque reflétant la lueur vacillante des bougies, l’expérience méditative de manger du yokan dans un plat en laque, alors que la noirceur même de la pièce fond sur votre langue, ou encore un sushi enveloppé d’une feuille de kaki. Pour utiliser le langage de la contemporanéité, ça se lit comme un exercice de pleine conscience.

En juxtaposant les modes de perspective et de création orientaux et occidentaux, Tanizaki développe une méthodologie mouvante qui permet un examen approfondi de la modernité et de la culture dans les deux domaines. Avec des réflexions personnelles sur les thèmes de l’architecture, du design, du mobilier, du jade, de la nourriture, du luminaire et de l’artisanat, le texte associe les principes clés de la tradition japonaise et la modernité mondiale environnante.

Avec deux nouvelles traductions récemment publiées en anglais et en français, le texte constitue une lecture essentielle pour quiconque s’intéresse à cette esthétique culturelle singulière, au caractère apaisant du design et du style de vie japonais. Si l’homogénéisation d’une culture mondialisée, intrinsèquement obsolète, provoque des levées de boucliers, lire Tanizaki permet d’apprécier la permanence, la durabilité et le monde naturel.

©C MA