Dans les ruines modernes du Japon
Le photographe australien Shane Thoms a sillonné le Japon pour en immortaliser les endroits abandonnés, où la nature a repris ses droits.
© Shane Thoms
Shane Thoms, grand passionné du sujet, a traversé le Japon à la recherche de ses splendeurs passées, et a réuni ses images dans un ouvrage, Haikyo: The Modern Ruins of Japan. En japonais, haikyo signifie « ruines ». Mais au sens plus large, le mot désigne l’exploration urbaine, connue en Europe sous le nom d’urbex.
Il a découvert, perdus au milieu de la nature, d’anciens symboles de loisir et de confort devenus antres de solitude : des parcs d’attraction, des hôtels de luxe en bord de plage, des immeubles de standing… Mais aussi des onsen, un love hotel et des hôpitaux, désertés du jour au lendemain, sans même qu’on prenne le temps de retirer leur matériel ou leur décoration.
Ce que les ruines disent de nous
Pour capturer ces images, le photographe a dû braver quelques interdictions, éviter des escaliers en lambeaux qui menaçaient de s’effondrer, échapper à la voracité des moustiques et contourner les nids de frelons. Le résultat en valait la peine. « Ces ruines modernes offrent un riche contraste visuel, dans un pays connu pour l’éclat, les sons et les mouvements qui emplissent ses nombreuses et prospères métropoles », explique Shane Thoms sur son site. L’ouvrage, qui fige ces espaces avant que le temps n’efface leurs dernières traces, pose une question plus large et passionnante, dont la portée dépasse les frontières du Japon : qu’est-ce que nos ruines disent de nous ?
Si le livre n’apporte pas de réponse définitive, il interpelle par l’aspect vivant, presque hanté, de ces endroits oubliés. Ici, on découvre un hôpital fermé par manque de patients, dont les fauteuils pourraient servir demain, si on prenait le temps de les dépoussiérer. Plus loin, dans un parc d’attraction envahi par la nature, les tasses tournantes semblent attendre les touristes. C’est peut-être ce qui frappe le plus : nombreux sont les objets qui tiennent encore debout, et qu’un souffle de vie suffirait, certainement, à ragaillardir.
La fascination de Shane Thoms pour les ruines lui vient, dit-il, de l’enfance. Jeune, il s’est pris de passion pour l’univers à la fois macabre et magique de Tim Burton, et pour les films d’horreur comme A Nightmare on Elm Street (dans la version originale de Wes Craven, sortie en 1984). Il y a quelques années, il a commencé par visiter les sites abandonnés d’Australie et s’est même rendu à Tchernobyl. C’est cette traversée du Japon, pourtant, qui lui aura permis de retrouver ses frissons d’adolescent, dans cet univers marginal à l’étrange beauté.
Haikyo: The Modern Ruins of Japan (2017), un livre de photographies par Shane Thoms, publié aux éditions Carpet Bombing Culture. Les photographies de Shane Thoms sont à retrouver sur son site internet et son compte Instagram.
© Shane Thoms
© Shane Thoms
© Shane Thoms
© Shane Thoms
© Shane Thoms
LES PLUS POPULAIRES
-
La subtilité de l'art japonais du papier exposée à Londres
En 2018, quinze créateurs contemporains ont eu carte blanche à la Japan House pour exprimer leur art au moyen de papier “washi” traditionnel.
-
Les nuits électriques de Tokyo sublimées par Liam Wong
Dans la série “TO:KY:OO”, le photographe capture la capitale à la nuit tombée, lorsque les néons créent une ambiance cinématographique.
-
Recette vegan de pot-au-feu japonais par Lina et Setsuko Kurata
Le “oden” est un plat typique de l’hiver, que l’on peut préparer chez soi mais que l’on trouve aussi en vente en supermarché dans l'archipel.
-
La quintessence de la beauté du Japon retranscrite par Erin Nicholls
L'artiste australienne saisit avec acuité les scènes et détails les plus insignifiants du quotidien qui semblent soudain prendre vie.
-
Adrien Jean, immersion dans une culture solitaire
Dans cette série, le photographe questionne le sentiment de solitude, des Japonais mais aussi des voyageurs qui visitent l’archipel.