Les cerfs de Hokkaido, incarnation d’un monde merveilleux

Dans la série “Shikawatari”, la photographe Chieko Shiraishi observe à distance un troupeau de cerfs, pour une balade douce et poétique.

10.12.2021

TexteHenri Robert

© Chieko Shiraishi

Les tragiques événements survenus en 2011 ont été un traumatisme pour de nombreux Japonais. Afin de reprendre goût à la vie, d’à nouveau rêver, imaginer, un déclic est souvent nécessaire. Pour la photographe Chieko Shiraishi ce fut la rencontre avec les paysages enneigés de Doto — dans l’est de l’île de Hokkaido —, et les troupeaux de cerfs sika qui y vivent. Soudain, elle eut le sentiment de pouvoir « enfin respirer profondément. »

L’expérience, et l’émotion ressentie par l’artiste, ont donné naissance à la série Shikawatari (La Traversée des Cerfs) (2014-2020), récompensée en 2021 du Special Photographer Award du prix Higashikawa.

Au-delà du récit qui la porte, la singularité et la puissance de l’œuvre de Chieko Shiraishi reposent sur sa technique. L’artiste née en 1968 à Yokosuka a été formée dans un atelier de photographie mené par Katsuhito Nakazato et Kazuo Kitai à Funabashi-shi, dans la préfecture de Chiba.

 

Une invitation à faire corps, en silence

Au fil de ses visites dans la zone, la photographe suit un troupeau de cerfs qui errent dans un paysage enneigé, pâle, entre des lacs gelés et des forêts. Comme le souligne le texte accompagnant l’exposition de la série à la galerie parisienne Echo 119, les photographies « semblent presque avoir été réalisées à la mine de plomb », et ici les différents éléments du décor semblent se détacher du plan, biaiser les perspectives et la profondeur.

« En regardant le troupeau, j’ai trouvé une belle loi providentielle de la nature, et j’ai eu l’impression d’avoir été témoin de quelque chose de sacré qui fait partie de la nature. La nature sauvage de Doto procure un sentiment d’unité avec le monde naturel majestueux que je n’avais jamais connu auparavant », explique l’artiste dans le cadre de la publication d’un livre dédié à la série (Sokyu-sha, 2020).

Si la photographe reste généralement à distance des mammifères, un lien de bienveillance semble se créer, une forme d’invitation à pénétrer dans leur monde.  Chieko Shiraishi propose une œuvre poétique, chamanique, mystique. Ses photographies ont le don de nous amener à faire silence.

 

Shikawatari (2020), une série de photographies par Chieko Shiraishi publiée par Sokyu-sha.

Shikawatari est à découvrir à la galerie Echo 119 (Paris) jusqu’au 15 janvier 2022. La galerie présente en parallèle une autre série de la photographe, Shimakage (L’Ombre des Îles), qui nous emmène dans les petites îles qui entourent le Japon, avec pour thématique « la sensation des souvenirs qui, au fur et à mesure que le temps passe, s’éloignent et s’embrument. »

© Chieko Shiraishi

© Chieko Shiraishi

© Chieko Shiraishi

© Chieko Shiraishi