Le “fuzei”, ce sentiment si japonais
C’est un mot difficilement traduisible que le photographe Ryota Kajita tente de définir avec sa série éponyme de prises de vues urbaines.
“Fuzei” (2015) by Ryota Kajita
Principalement connu pour ses voyages à travers l’Alaska — où il est installé depuis 15 ans —, et son travail autour de la glace et de son évolution, le photographe Ryota Kajita a réalisé en 2015 une série radicalement différente, intitulée Fuzei (風情). L’artiste propose ici une expérience photographique d’interprétation du mot et donne à voir des instantanés de rues japonaises.
« Lorsque nous rencontrons quelque chose qui résonne tranquillement dans notre esprit, généralement quelque chose de naturel ou d’élégant, nous disons “je me sens fuzei dans ce paysage” ou “cela donne une impression de fuzei.” » Le mot est également lié au mono no aware, un concept théorisé au XVIIème siècle par le penseur Motoori Norinaga, qui correspond à « la conscience que tout est transitoire et éphémère », explique l’artiste à Pen.
Le fuzei, une intention
La série Fuzei présente des détails urbains, des climatiseurs, câbles électriques, murs de maisons ou façades d’immeubles, avec lesquels la nature cohabite ou (re)prend ses droits, telle l’herbe repoussant entre les craquelures du goudron. À d’autres instants, ce sont les habitants qui ont souhaité lui accorder une place — et la nature y prend parfois ses aises. Si rien n’est ici organisé avec soin, la composition et l’assemblage réussissent à apparaître harmonieux.
Ces petits morceaux de nature permettent par ailleurs aux habitants de pouvoir suivre le rythme des saisons au fil des transformations des arbres et des plantes. « Personnellement, je retrouve le sentiment de fuzei dans le quotidien, les choses ordinaires de la vie, même dans des sujets atypiques, dans des tuyaux en plastique sur des bâtiments et des murs en béton. Je constate que les habitants des villes surpeuplées sont très créatifs et essaient de faire de leurs petites maisons et jardins des lieux sympas. Parfois, cette volonté produit des choses drôles ou étranges, contraires à l’intention première », explique l’artiste.
« Ces images sont peut-être éloignées du fuzei original, comme la lune, les fleurs et les oiseaux, mais je les trouve néanmoins attrayantes. Dans cette série, j’ai essayé de capturer le sens de la beauté que je trouve en eux d’une manière qui peut être comprise universellement. C’est une expérience photographique d’interprétation du mot », conclut-il.
Si Ryota Kajita n’ambitionne pas de faire passer un message à travers ces clichés, il aspire à diffuser un sentiment. Celui d’une sorte de revanche de la nature, mais une revanche douce, une réponse, et le signe que rien n’est permanent.
Dans une autre série, Ice Formation, le photographe a rassemblé les formes les plus singulières créées par le gel et la glace. Certaines ressemblent à des fleurs, d’autres à des cellules vues au microscope, des cratères lunaires ou des tâches de peinture.
Fuzei (2015), une série de photographies par Ryota Kajita à découvrir sur le site internet de l’artiste.
“Fuzei” (2015) by Ryota Kajita
“Fuzei” (2015) by Ryota Kajita
“Fuzei” (2015) by Ryota Kajita
“Fuzei” (2015) by Ryota Kajita
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