Ryo Fukui — Redécouverte d’une légende du jazz japonais

La discographie du pianiste a été rééditée à la demande du public, illustrant un regain d'intérêt pour ce genre musical au sein de l'archipel.

11.12.2021

TexteMiranda Remington

Ryo Fukui. Avec l'aimable autorisation de We Release Jazz/WRWTFWW Records.

Longtemps ignoré par les amateurs, l’album Scenery (1976) du pianiste basé à Sapporo Ryo Fukui est aujourd’hui considéré comme une œuvre majeure de l’histoire internationale du jazz. Autodidacte, Ryo Fukui a laissé derrière lui une œuvre unique, entraînante et sereine, portée par une instrumentalisation immaculée.

La dernière réédition de sa discographie — demandée par le public — et de rares enregistrements live par We Release Jazz (label sœur de WRWTFWW, qui a déjà réédité plusieurs trésors oubliés de la musique japonaise expérimentale), consacre le génie de Ryo Fukui et illustre l’intérêt croissant pour l’histoire de ce genre musical au Japon.

 

Un maestro mystérieux

Enregistré six ans après son installation à Tokyo, loin de sa ville natale, Scenery est le premier album de Ryo Fukui. L’année suivante, la sortie de son deuxième album Mellow Dream (1977) a été accompagnée d’importants concerts et amène sa pratique musicale à se développer ; il commence alors à jouer du piano sur scène et à l’enseigner à un niveau international. Si grâce à internet son œuvre a aujourd’hui séduit des millions de personnes, elle avait à l’époque été à peine remarquée par les amateurs occidentaux.

Scenery met en lumière le talent de la scène jazz japonaise, réunissant des musiciens dans des performances intenses et ce, dans des lieux intimes. Cet album illustre la réussite de la fusion entre musique modale, bebop et cool jazz, dans une époque marquée par une créativité nourrie par l’influence de la musique américaine distillée à travers le pays lors des années d’après-guerre.

Si le jazz n’a dans un premier temps pas fait l’unanimité dans le pays — car étant associé à une culture étrangère —, il s’est tout au long du XXème siècle intégré et adapté à l’environnement japonais, donnant naissance dans les années 1960 à l’une des scènes de free jazz les plus dynamiques du monde. Certains chercheurs estiment que le Japon compte toujours le plus grand nombre d’auditeurs de jazz au monde, notamment grâce aux jazz kissa : des bars cosy qui ritualisent l’écoute de disques, un peu comme si l’on dégustait un bon whisky.

Ryo Fukui s’est également produit dans des lieux secrets ou historiques tels que le Pit Inn à Shinjuku, le Sometime à Kichijoji ou le Jazz Inn Lovely de Nagoya. La suite de sa carrière a été rythmée par des voyages, en particulier en Amérique où son mentor Barry Harris a inspiré certains de ses lives les plus enivrants. Ses derniers enregistrements ont été réalisés lors de son retour à Sapporo, où il a ouvert le club de jazz Slowboat en 1995. Avant sa disparition, l’artiste réunissait de superbes solos dans A Letter From Slowboat (2016), en forme de lettre d’amour adressée à sa terre natale.

 

Scenery (1976),  un album de Ryo Fukui réédité par We Release Jazz/WRWTFWW Records.

 

Ryo Fukui. Avec l'aimable autorisation de We Release Jazz/WRWTFWW Records.

Ryo Fukui “Mellow Dream” (1977). Avec l'aimable autorisation de We Release Jazz/WRWTFWW Records.

Ryo Fukui “Scenery” (1976). Avec l'aimable autorisation de We Release Jazz/WRWTFWW Records.

Ryo Fukui “My Favourite Tune” (1994). Avec l'aimable autorisation de We Release Jazz/WRWTFWW Records.

“Ryo Fukui in New York” Live album released in 1999. Avec l'aimable autorisation de We Release Jazz/WRWTFWW Records.

Ryo Fukui, “A Letter from Slowboat“ (2015) Avec l'aimable autorisation de We Release Jazz/WRWTFWW Records.

Ryo Fukui. Avec l'aimable autorisation de We Release Jazz/WRWTFWW Records.