Avec “Senses”, Ryusuke Hamaguchi questionne l’altérité

Ce long métrage de plus de cinq heures sorti en 2018 met à l'épreuve les liens amicaux et amoureux dans une société ultra-normée.

22.01.2021

TexteClémence Leleu

© Art House

Elles sont quatre : Akari, Fumi, Sakurako et Jun. Des amies inséparables qui ponctuent leur quotidien de rendez-vous pour chaparder quelques heures hors du temps à leur agenda remplis d’obligation professionnelles ou familiales. Mais un jour, lors d’un week-end passé ensemble, Jun, en pleine instance de divorce, disparaît. 

Ce film initialement intitulé Happy Hour et dont l’intrigue s’étire sur plus de cinq heures, a été finalement scindé en trois parties distinctes pour sa sortie en salles françaises en 2018, à la manière d’une série : Senses 1 & 2, Senses 3 & 4 et Senses 5. On y suit les protagonistes éprouvées par l’onde de choc de la disparition d’une des leurs. Comment n’ont-elles pu se douter de rien ? Pourquoi Jun ne leur a-t-elle pas confié ses doutes et angoisses ? Pourquoi disparaître alors que la force du groupe aurait pu la porter ? Cette absence pousse les héroïnes trentenaires originaires de Kobe à se questionner sur leur amitié, leurs vies et le rapport qu’elles entretiennent avec les autres. 

 

Radiographie de la société japonaise

Au fil des épisodes ces femmes s’ouvrent peu à peu à elles et au monde, remettent en cause les mécanismes quasiment automatiques de leur quotidien… Si Ryusuke Hamaguchi, né en 1978, met en exergue ce choeur de femmes, celui-ci n’est finalement qu’un prétexte pour interroger une société toute entière. C’est toute la condition féminine au Japon qu’il passe au crible, en en disséquant les mécanismes et les codes séculairement établis. Le réalisateur poursuivra sur sa lancée quelques années plus tard avec le film passionnel Asako I et II (2018), où il plongera encore plus profondément dans la fabrique des liens sociaux au Japon, et en particulier celle des liens amoureux.

 

Senses (2018), trois films réalisés par Ryusuke Hamaguchi à visionner sur le vidéo-club en ligne de Hanabi.

© Art House

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