Un opéra rock et bohème
Le compositeur renégat J.A. Ceazer a créé la bande originale de 'Pastoral: To Die in the Country' de Shuji Terayama, un étrange film d'avant-garde de 1974.
Album Cover for the Soundtrack for 'Den'en ni Shisu'. Courtesy of Terayama World.
Grâce à un montage carnavalesque, le film du dramaturge d’avant-garde Shuji Terayama, Pastoral: To Die in a Country (1974), nous emmène à travers ses souvenirs d’enfance fragmentés. Il raconte une étrange histoire de passage à l’âge adulte, où un garçon quitte son village rural pour la ville après une étrange expérience sexuelle avec son voisin. Lors de ce voyage, il rencontre une excentrique troupe d’artistes de cirque. Mais ce qui amène peut-être réellement Pastoral Hide and Seek de Terayama (autre manière de nommer son œuvre) vers les frontières culturelles du temps, c’est sa bande originale réalisée par celui qui fut son collaborateur régulier, J. A. Ceazer.
J. A. Ceazer accompagne le film de Terayama avec un mélange assourdissant de guitares et de percussions, de sons de femmes hurlantes, de chants funéraires bouddhistes, de folk protestataire, de blues rock, de prog-psych et d’orgue. Il nous désoriente, en accord avec l’esprit d’une époque où des hippies japonais désabusés parcouraient les ruines d’un pays dévasté après la guerre, dans lequel soufflait déjà le vent du changement.
Les références à des thèmes grotesques et érotiques brisent tous les clichés associés à la culture japonaise, tout en renvoyant aux souvenirs d’une éducation rurale influencée par le folklore traditionnel. Intégrant des instruments indigènes tels que le shamisen ou le biwa aux rythmes du rock-n-roll occidental, Ceazer colore les cauchemars de Shuji Terayama, tissant un hymne extatique pour l’héritage contre-culturel japonais.
L’errance des poètes rebelles
J. A. Ceazer — de son vrai nom Terahara Takaaki —, a constamment produit de complexes œuvres musicales pour la compagnie de théâtre expérimental de Shuji Terayama, Tenjo Sajiki, jusqu’à la mort soudaine de Terayama en 1983. Dans Japrocksampler, Julian Cope décrit J. A. Ceazer comme le « Lou Reed d’Andy Warhol » de Terayama, depuis sa découverte du théâtre Tenjo Sajiki à Shinjuku et qu’il rejoigne sa troupe d’artistes. Sa vie personnelle est aussi un récit passionnant, un vrai opéra rock : le peu que nous connaissons de son passé est issu des récits de ses voyages, depuis sa ville natale Kyushu, ou de sa fuite après qu’un yakuza ait mis sa tête à prix.
La carrière de J. A. Ceazer semble avoir ralenti après la mort de son partenaire. Il a en effet réalisé peu d’œuvres de premier plan ces dernières années, à l’exception d’un sursaut au début du XXIe siècle à l’occasion de la création de la bande originale d’Utena, la fillette révolutionnaire, film d’animation culte de la fin des années 90. Pourtant, en tant que figure majeure d’une famille singulière de la contre-culture, sa musique continue de raconter une histoire secrète de la Bohême japonaise qui a émergé des cendres de la guerre.
Still from 'Pastoral: To Die in a Country'. Courtesy of Terayama World.
Still from 'Pastoral: To Die in a Country'. Courtesy of Terayama World.
Still from 'Pastoral: To Die in a Country'. Courtesy of Terayama World.
Still from 'Pastoral: To Die in a Country'. Courtesy of Terayama World.
Still from 'Pastoral: To Die in a Country'. Courtesy of Terayama World.
CD and Inside Jacket for Soundtrack of 'Den-en ni Shisu' 2002 Re-release. Photo by Miranda Remington.
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