Des kimono au service de la propagande japonaise

Dans les années 30, la puissance et la supériorité de l’armée nippone s’affiche sur les vêtements d’intérieur.

06.10.2020

TexteClémence Leleu

Boy’s omiyamairi with battleship and military aircraft, © NORMAN BROSTERMAN

À la fin du XIXème siècle, à côté des kimono aux motifs traditionnels floraux ou animaliers, sont apparus les kimono dits de propagande. À l’heure où la société japonaise se modernise, les fabricants de textiles suivent la tendance. Leurs tissus arborent des motifs audacieux, d’inspiration Art déco ou Dadaïste et où les oiseaux et les fleurs de cerisier laissent place à des gratte-ciels, trains et avion. 

La production de ces kimono prend un nouveau tournant dans les années 1930, alors que le Japon amorce un virage militaire. Les tissus sortant des ateliers promeuvent alors les ambitions politiques et militaires du pays en Asie du Sud-Est, en Chine ou en Mandchourie. Comme ce tissu sur lequel se dessine un mikasa, un navire appartenant à l’amiral Togo Heihachiro, héros de la guerre russo-japonaise (1904-1905) qui fut la première victoire nippone dans un conflit international. Ou cet autre où un cuirassé fend l’océan, escorté d’avions de combat. Sur certains kimono de propagande se mêlent thèmes nationalistes et références à la pop’ culture, où des bonhommes poupons, appelés gosho ningyo, sac sur le dos, brandissent le drapeau de l’armée impériale entourés de chars d’assaut. 

 

Des motifs que l’on gardait cachés

Mais la plupart de ces tissus arborant des images de propagandes étaient majoritairement destinés à la confection de vêtements d’intérieur, réservés à des fêtes privées ou alors portés sous une autre tenue, se soustrayant aux regards inconnus. Ces motifs militaires et nationalistes s’affichaient bien souvent sur les nagajuban, des pièces de coton à porter sous le kimono et sur les omiyamairi, les tenues portées par les jeunes enfants lors de leur première visite au temple shintoïste. 

C’est à Jacqueline Atkins que l’on doit la redécouverte de ces kimono. L’historienne du textile américaine et spécialiste des textiles japonais du XXème siècle en a d’ailleurs tiré un ouvrage Wearing Propaganda, Textiles in Japan, Britain and the United States 1931–1945.

 

Wearing Propaganda, Textiles in Japan, Britain and the United States 1931–1945 (2005), un livre de Jacqueline Atkins publié par Yale University Press, uniquement en anglais.

Woman’s haori, circa 1934 © NORMAN BROSTERMAN

Kimono. 1940’s. Collection of Yoku Tanaka. © Nakagawa Tadaaki / ARTEC Studio.

Boy’s omiyamairi, 1930’s © NORMAN BROSTERMAN

Girl’s kimono. 1930s. Collection of Ranko Nagata. © Nakagawa Tadaaki / ARTEC Studio