Hrímnir — Les ramen nordiques d’Oslo
©Simon Nilsen
Inauguré en février à Olso, Hrímnir ramen est un projet unique. Son chef et propriétaire, le scientifique américain en microbiologie David Quist, n’a aucune formation en cuisine. Avant de se lancer dans les ramen, il a travaillé dans le domaine de la politique alimentaire durable pour les gouvernements norvégien et européen, ainsi qu’au sein de comités techniques des Nations Unies. S’il est maintenant chef de ramen à temps plein, il juge que ces deux expériences ne sont pas si éloignées. « En tant que scientifique, je suis curieux de nature et un laboratoire et une cuisine ne sont pas si différents. Tous deux sont des lieux d’expérimentation et d’exploration, donnant à la fois des échecs spectaculaires et des succès savoureux. J’aime les deux. Les premiers sont une source d’apprentissage en profondeur, les derniers… de dîners. »
Le changement de carrière de David Quist débute par un message envoyé à un maître du ramen du quartier de Kuramae, à Tokyo. Lui qui n’avait jamais préparé de bol de ramen auparavant lui demande s’il peut s’exercer à ses côtés. Kibomoto-san, propriétaire de Ramen Kai, lui répond dans un premier temps qu’il lui faut d’abord le rencontrer pour décider s’il est apte à occuper ce poste. David Quist quitte ainsi la Norvège pour le Japon. « Je ne savais pas si je resterais et préparerais des nouilles ou si j’allais rentrer chez moi le lendemain », se souvient-il. Pour faire meilleure impression, David Quist apporte certaines de ses propres sauces de poisson fermentées qu’il a expérimentées. « Heureusement, il les a aimées et savait que j’étais vraiment motivé pour préparer de bons ramen. »
Travailler dans une petite boutique de ramen est « épuisant, magnifique, intense et vraiment amusant ». Il travaille 6 jours par semaine, 13 heures par jour, dans une cuisine « lilliputienne », aux côtés de quatre autres employés. Mais l’exigence est finalement principalement mentale. « Adopter les codes et les moyens de communication des maîtres japonais pour travailler dans un espace aussi petit de manière efficace oblige les Occidentaux à utiliser des parties du cerveau que nous n’utilisons pas normalement », explique David Quist.
Né en Chine, le ramen est aujourd’hui au Japon un plat très lié aux régions dans lesquelles il est produit — les saveurs et les techniques étant adaptées aux environnements. Dans les grandes villes telles que Tokyo, les ramen peuvent même être différents d’un quartier à l’autre. Hrímnir ramen — les ramen nordiques — est le reflet de cette tradition. « Nous explorons les nombreux parallèles entre les produits nordiques et japonais, tels que les excellents fruits de mer et les techniques culinaires : fumer, saler et fermenter. » Le ramen est un plat propice à l’innovation et chez Hrímnir ramen, la recherche et le développement sont utilisés pour extraire l’umami par fermentation. C’est là qu’interviennent les connaissances en microbiologie de David Quist, permettant de proposer une profondeur et une complexité à partir de saveurs jamais utilisées auparavant dans un bol de nouilles. « Nous expérimentons tout et disposons d’une bibliothèque de sauces fermentées, fabriquées à partir d’une grande variété de produits, allant de levures à du cœur de baleine. De plus, tous nos vinaigres, kombuchas, koi, miso et shoyu (sauces de type soja)ainsi que les nouilles sont fabriqués sur place.
Les ramen étant relativement peu connus en Norvège, les gens commencent tout juste à comprendre qu’il ne s’agit pas seulement d’un bol de soupe. L’été étant bref dans cette région, de nombreux ingrédients ne sont pas disponibles toute l’année, ce qui signifie qu’il faut trouver des moyens de préserver tout ce qui pousse en été. « Nous avons décidé de tirer parti de ces limites pour stimuler notre créativité. Nous voulons voir ces défis non pas comme des problèmes, mais comme des opportunités de trouver de nouvelles solutions. C’est comme utiliser des aliments qui ne sont normalement pas considérés comme des aliments, tels que les algues et de nombreuses espèces de fruits de mer qui pourraient être consommés, mais qui ne le sont pas », explique le restaurateur.
Pour David Quist, le plus enrichissant dans cette aventure est de pouvoir collaborer avec des personnes talentueuses tout en travaillant à la durabilité des systèmes alimentaires, et ce, en créant quelque chose d’unique. Mais au delà de ça, c’est aussi la gratification instantanée quand quelqu’un lui dit : « Manger cela me rappelle quelque chose de mon enfance ». Et, bien sûr, de pouvoir manger des ramen tous les jours !
©Hannah Nordh
©Hannah Nordh
©Hannah Nordh
©Aiste Miseviciute
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