Quand les Hamburgers de McDonald’s envahissent le Japon

Masami Teraoka modernise les codes de l'estampe dans ses peintures qui critiquent les phénomènes sociaux contemporains.

24.03.2021

TexteHenri Robert

Masami Teraoka, “McDonald's Hamburgers Invading Japan, Geisha and Tattooed Woman”, 1975

Halte à l’invasion de la culture américaine, ses fast-foods, sa société du divertissement, qui écrase tout sur son passage. La série McDonald’s Hamburgers Invading Japan de l’artiste japonais Masami Teraoka met en scène l’homogénéisation des cultures, et livre une critique, sociale et historique, de la rencontre entre l’Est et l’Ouest.

L’artiste, originaire d’Onomichi au Japon, est installé aux États-Unis depuis 1961, où il collabore depuis des années avec la Catharine Clark Gallery. Son œuvre, engagée politiquement, montre ici que la critique de la mondialisation peut également aborder la question de la qualité, d’une exigence dans la diffusion des cultures à travers les pays et continents.

 

Un homogénéisation par le bas

« McDonald avait environ 60 succursales franchisées au Japon en 1976. Je voyais ça comme quelque chose de catastrophique. J’ai été choqué quand j’ai vu les arches de logos McDonald qui avaient déjà envahi Vancouver au Canada à l’époque… j’étais tellement dévasté de voir des hamburgers d’aussi mauvaise qualité sur le point d’envahir le monde. L’homogénéisation des cuisines ethniques me préoccupait », explique l’artiste à Pen.

La préoccupation de Masami Teraoka dépasse pourtant la question de l’envahissement de la culture américaine dans le monde entier. Dans son art, il aborde la question de l’exigence d’excellence. « Comment peut-on se contenter de mâcher du chewing-gum en pensant que c’est du pain, en croyant manger d’incroyables hamburgers ? McDonald ne semble pas se soucier de la riche tradition des hamburgers américains », poursuit-il.

Ses peintures reprennent les codes des estampes de l’ukiyo-e afin de diffuser le meilleur de ce mouvement aux États-Unis. Fasciné par la capacité de l’ukiyo-e à associer esthétique et récit, il s’était donné pour mission « d’introduire le vocabulaire de l’ukiyo-e face à toutes les grandes tendances artistiques des années 1970 ». Cette volonté a également guidé son exigence alors qu’il exposait ses œuvres au Whitney Museum, en parallèle d’une exposition d’Andy Warhol. Dans la série McDonald’s Hamburgers Invading Japan, une femme à l’allure de geisha, un hamburger à la main, regarde avec envie sa voisine savourant des nouilles. Dans d’autres œuvres, les hamburgers sont balayés, on les foule aux pieds. Le message est clair.

Dans les années 1980, l’artiste aborde la crise du sida, avec la série AIDS, représentant notamment des samouraïs frustrés et des geishas tentant d’ouvrir des préservatifs. L’objectif de Teraoka était de faire la lumière sur le sida à un moment où les médecins et les politiciens dissimulaient ou évitaient d’aborder cette question.

 

McDonald’s Hamburgers Invading Japan (série en cours) par Masami Teraoka. Le travail de l’artiste est à découvrir sur le site de la Catharine Clark Gallery.

Masami Teraoka, “McDonald's Hamburgers Invading Japan/Chochin-me”, 1982

Masami Teraoka, “McDonald's Hamburgers Invading Japan, Burger and Bamboo Broom”, 1981-82

Masami Teraoka, “McDonald's Hamburgers Invading Japan/Tokyo Ginza Shuffle”, 1975

Masami Teraoka, “McDonald’s Hamburgers Invading Japan/Tokyo Ginza Shuffle”, 1982