Kokedama : les plantes-sculptures d’Arnaud Roy
Situé à mi-chemin entre l'ikebana et le bonsaï, le kokedama consiste à faire pousser une plante dans un substrat recouvert de mousse.
Moins codifié que d’autres pratiques, le kokedama, qui apparait dans les années 1990 au Japon, laisse libre court à la créativité végétale de ses adeptes dont fait partie Arnaud Roy. Artiste-artisan d’ikebana et de céramique, il cultive également une passion pour le kokedama, littéralement “sphère de mousse” (dama signifiant boule et koke signifiant mousse), un art de la sobriété et de l’épure.
En quoi consiste l’art du kokedama ?
Moins connu que l’ikebana ou le bonsaï, disciplines ancestrales et codifiées nées dans le Japon médiéval, le kokedama est apparu à la fin du siècle dernier pour répondre aux impératifs d’une vie urbaine plus exigeante et coupée en partie de la nature. N’exigeant pas comme le bouquet ikebana ou l’arbre miniature un espace dédié, celui du « tokonoma », le kokedama s’insère facilement dans des appartements ou des intérieurs plus réduits et moins traditionnels. Il permet néanmoins de maintenir ce lien essentiel avec l’environnement extérieur et naturel, si cher aux Japonais et désormais prisé également en Occident. Cette boule de mousse est un microcosme vivant que l’on crée et auquel on apporte un soin moins quotidien que celui que requiert le bonsaï. Dans son substrat fait de terreau, d’argile et d’akadama, une petite pierre volcanique, la plante prospère sans nul besoin de pot.
Comment s’est forgée votre appétence pour l’art du kokedama ?
J’ai tout de suite été charmé et intrigué par ces petites plantes-sculptures, que j’ai découvertes à Kyoto lors de l’un de mes voyages. Au Japon, certains kokedama sont vraiment miniatures et ont un aspect très « kawaii », comme une figurine sortie tout droit d’un film de Miyazaki. Dès mon retour, j’ai commencé à me former à cette pratique en visionnant des tutoriels et en recherchant des informations concernant sa confection et l’entretien des plantes. Mon enseignante d’ikebana de l’époque, Akiko Gishi, a découvert que j’avais réalisé plusieurs kokedama ainsi qu’un tsuboniwa, un jardinet de balcon recouvert de mousse. Intriguée, elle a souhaité que je lui présente la technique, ainsi qu’à plusieurs élèves de l’atelier d’ikebana. J’ai ainsi commencé à donner des cours dans l’école de langue et de culture japonaise « Quartier Japon » où je continue de façon régulière à animer des workshops. Depuis, j’ai sans doute réalisé plus de mille kokedama et je prends toujours autant de plaisir à transmettre les gestes et à voir les participant.e.s repartir avec leurs créations, le sourire aux lèvres. C’est un moment de partage et d’échange à la fois relaxant et enrichissant pour tout le monde.
Quelles plantes sont les plus adéquates à la pratique ?
A priori, la plupart des plantes peuvent être mises en kokedama. Les plantes fleuries peuvent parfois se montrer un peu plus fragiles, même si des variétés telles que la fleur de lune (spathiphyllum), avec ses belles fleurs blanches élancées, se plaisent très bien en kokedama, à partir du moment où elles sont suffisamment hydratées et bénéficient de la luminosité adéquate. Les plantes d’extérieur, plus rustiques, s’acclimatent aussi très bien au kokedama. Comme pour les bonsaïs, elles peuvent rester dans le même terreau plusieurs mois mais sans excéder deux ans au maximum.
Que requiert l’entretien d’un kokedama ?
Un kokedama s’entretient relativement facilement, c’est principalement sa boule de substrat qui lui garantit santé et prospérité : elle doit être arrosée de façon régulière, plus ou moins selon les variétés de plantes. La technique d’arrosage varie selon les « kokedamistes » : certains préconisent un arrosage par le biais d’un trou percé dans la boule, à l’aide d’un petit arrosoir. Personnellement, je recommande simplement de faire tremper le kokedama à intervalles réguliers dans une petite coupelle remplie d’eau, afin que la moitié de la boule s’imprègne d’eau par capillarité, comme on le ferait pour une orchidée. Il faut ensuite savoir observer et réagir. J’utilise très rarement de l’engrais, même si l’on peut bien sûr l’envisager pour aider les plantes un peu plus faibles.
Au-delà de l’aspect décoratif du kokedama, que nous enseigne cet art ?
Pour ma part, cette découverte est arrivée à point nommé, alors que je songeais depuis plusieurs années à amorcer une reconversion vers une carrière plus artistique, sans abandonner complètement mon métier d’enseignant. La peinture avait ses limites et ne me satisfaisait pas pleinement, tandis que la découverte de la céramique et des arts végétaux japonais a été une révélation. Cet art satisfait mon désir de créer tout autant que mon souhait de faire du bien autour de moi. Plus largement, le kokedama est un microcosme qui, au même titre que toute autre présence végétale, nous permet de rester connecté à un environnement naturel faisant défaut dans nos villes bétonnées. Il incarne à lui seul plusieurs des principes de la philosophie zen et de l’esthétique japonaise : le naturel, la tranquillité et la simplicité. Cet art est véritablement un concentré de Japon et un bon support quotidien de méditation.
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