Le BDSM dans les ténèbres des années 1990 au Japon

Enfant terrible de la littérature japonaise, Ryu Murakami examine les dessous de l'hédonisme du monde de l'entreprise dans "Tokyo Decadence".

23.02.2021

TexteMiranda Remington

Extrait de “Tokyo Decadence”, avec la permission de Japan Video Distribution.

La première scène de Tokyo Decadence nous emmène dans un univers inquiétant, où une jeune prostituée timide, Ai, est attachée à une chaise. Contre sa volonté, son client lui injecte de l’héroïne en lui disant : « Quelqu’un comme vous, quelqu’un de pur et de courageux, est l’unique espoir de ce pays pourri. »

Le sadomasochisme qui est au cœur du célèbre film érotique de Ryu Murakami sorti en 1992 a entraîné son interdiction immédiate dans plusieurs pays. Il est peut-être facile de dénoncer Tokyo Decadence, d’y voir un non-sens voyeuriste, mais sa beauté, son rythme lent qui expose la sexualité japonaise dans les paysages urbains nocturnes de Shinjuku, mettent en lumière les éléments centraux d’une tradition cinématographique.

 

L’art de la désillusion

La mise en scène de chaque acte transgressif offre un panorama psychologique de la diversité des individus qui animent les nuits tokyoïtes. Lorsque la protagoniste, impuissante, subit les perversions violentes de riches hommes d’affaires, sa force mentale commence à s’effriter, alors que le réalisateur semble se faire rattraper par la puissance du récit. Outre les caméos faits par des créateurs renommés — dont l’artiste Yayoi Kusama — l’adaptation de figures de style propres au genre pornographique fait écho aux avant-gardes précédentes qui se sont engagées à subvertir toute image lissant la réalité du Japon. S’alignant sur le genre “Pink Film”, Ryu Murakami utilise l’érotisme pour explorer les symptômes du malaise culturel japonais ayant débuté après l’éclatement de la bulle, disséquant la réalité derrière un contexte menant à l’inhibition sociale.

Célèbre à travers le monde pour avoir écrit le texte qui a inspiré le film Audition de Takahashi Miike, Ryu Murakami est reconnu pour la nature graphique de ses romans et son travail autour des questions de violence, de consommation de drogues, de criminalité et d’exploitation sexuelle au cinéma. Acclamé pour avoir défendu un nouveau style de littérature, ses autres romans populaires tels que Bleu presque transparent et Les bébés de la consigne automatique contiennent les traces d’une éducation dans la culture hippie. Tokyo Decadence (également connu sous le nom de Topaz), quant à lui, teste la fibre morale de la société japonaise. Accompagné de la musique de Ryuichi Sakamoto, Tokyo Decadence offre un panorama des récits provocants de Murakami en un seul chef-d’œuvre cinématographique.

 

Tokyo Decadence (1992), de Ryu Murakami est disponible en DVD et Blu-Ray.

Extrait de “Tokyo Decadence”, avec la permission de Japan Video Distribution.

Extrait de “Tokyo Decadence”, avec la permission de Japan Video Distribution.

Extrait de “Tokyo Decadence”, avec la permission de Japan Video Distribution.

Extrait de “Tokyo Decadence”, avec la permission de Japan Video Distribution.

Extrait de “Tokyo Decadence”, avec la permission de Japan Video Distribution.

Extrait de “Tokyo Decadence”, avec la permission de Japan Video Distribution.

Extrait de “Tokyo Decadence”, avec la permission de Japan Video Distribution.

Extrait de “Tokyo Decadence”, avec la permission de Japan Video Distribution.