Faire l’expérience de l’authenticité dans la région de Karatsu
Château de Maizuru à Karatsu ©Rebecca Zissmann
Avec son château qui surplombe la baie alentour, la ville de Karatsu évoque une sentinelle guettant l’immensité de l’océan. Assise à cheval sur la rivière Matsuura, anciennement immergée dans une forêt de pins, cette cité du nord-ouest de l’île méridionale de Kyushu est une destination de choix pour comprendre l’identité de la préfecture de Saga.
Commerce, culture et céramique
Cette voisine de la célèbre Fukuoka a une longue histoire d’ouverture sur l’extérieur et sur le continent asiatique (le nom de Karatsu vient d’ailleurs de kara, Asie de l’Est et tsu, port). Ses échanges avec la Corée ont été nombreux et c’est auprès de céramistes coréens que les habitants ont acquis la technique de la porcelaine pour ensuite développer leurs spécificités locales. Qu’elles soient d’Imari, de Arita ou bien de Karatsu (les Karatsu-yaki) ces céramiques si particulières font la renommée de toute la région.
Karatsu-yaki © JNTO
Mais c’est surtout le mode de vie de ses habitants qui vaut le détour. En phase avec la nature, les locaux sont de fins cultivateurs. La région serait l’une des premières à avoir instauré la culture du riz au Japon ! C’est d’ailleurs en l’honneur des récoltes fructueuses que se tient chaque automne, les premiers jours de Novembre, le festival Karatsu Kunchi qui attire les foules depuis près de 400 ans. Y défilent une quinzaine d’immenses chars nommés hikiyama qui représentent des personnages légendaires. Du héros de conte Urashima Taro aux féroces dragons, en passant par de grands samourai, il y en a pour tous les goûts.
Festival Karatsu Kunchi ©JNTO
Un patrimoine préservé
Car les habitants de Karatsu ont un sens aigu de l’héritage et une volonté de préserver leurs traditions. Le château de Maizuru en est l’exemple le plus probant. Construit en 1608, il est détruit dans les années 1870 lors de l’abolition des systèmes de seigneurie. Mais la municipalité de Karatsu choisit de l’ériger de nouveau en 1966 pour qu’il accueille un musée. Depuis, ses cinq niveaux trônent de nouveau fièrement au faîte de la ville. De nombreux bâtiments témoignent encore du passé de Karatsu, comme le restaurant Takeya installé dans une magnifique maison gardée intacte depuis l’ère Taisho (1912-1926). Les anguilles sont sa spécialité et elles sont si délicieuses qu’elles fondent dans la bouche.
Takeya, restaurant de unagi (anguille) à Karatsu ©Rebecca Zissmann
Les produits de la mer sont particulièrement appréciés dans la région de Karatsu et notamment les calamars. Ils se dégustent tout juste sortis de l’eau en tranches de sashimi si fines qu’elles sont transparentes. La présentation de ce mets peut surprendre quiconque n’a pas le cœur solidement attaché car les lamelles d’ika (calamar) sont joliment disposées sur le corps d’un calamar entier, encore frémissant, auquel on a laissé la tête et les yeux d’un bleu opalin… Le restaurant Kabeshima, sur l’île Kabeshima à proximité du port de Karatsu, est un incontournable pour goûter au calamar. Perché au bord d’une falaise, il offre aussi un panorama saisissant sur la mer en contrebas.
Sashimi de ika (calamar) au restaurant Kabeshima, region de Karatsu ©Rebecca Zissmann
Nature et excursions
C’est aussi une vue splendide sur les flots qu’offrent les chambres de l’immaculé Karatsu Seaside Hotel à l’orée de la forêt de pins Niji no Matsubara. Cet hôtel de luxe propose à ses invités de s’immerger dans la beauté du paysage marin ainsi que dans les eaux bouillonnantes de son spa qui inclut un onsen (source d’eau chaude traditionnelle japonaise) et autres sauna et hammam. Le tout, toujours en présence du panorama à couper le souffle sur la baie de Karatsu, appréciable en particulier depuis les hauteurs de son bain extérieur au dernier étage.
Au large du Karatsu Seaside Hotel, on aperçoit l’île de Takashima avec son monticule boisé. En à peine dix minutes de bateau, elle est facilement accessible depuis le centre-ville de Karatsu et vaut la visite pour son originalité et son côté bucolique, avec ses champs et cultures. Parfois surnommée l’île aux chats, Takashima est peuplée de félins qui ont la particularité de donner l’impression de « prier ». Lorsque leur maîtresse leur offre une gourmandise, ils se dressent sur leurs pattes arrière et serrent leurs pattes avant dans une attitude votive. Ils sont ainsi devenus l’emblème de l’île et un petit autel leur est même dédié dans la boutique de souvenirs. Mais l’intérêt principal de Takashima réside ailleurs, dans son sanctuaire Houtou. Près de 200 000 personnes le visitent chaque année car il est réputé pour porter chance… à la loterie ! Après sa visite, il faudra tenter sa chance au Takarakuji (loterie japonaise).
Bain extérieur du Karatsu Seaside Hotel (gauche) et lever du soleil depuis une de ses chambres (droite) ©Rebecca Zissmann
Témoignages de gagnants de la loterie au sanctuaire Houtou ©Rebecca Zissmann
Hospitalité et produits du terroir
S’il est un endroit où l’expérience n’est pas soumise à la loterie, c’est bien le restaurant Arutokoro (“Quelque part” en japonais). Le chef Hirakawa Sunao a choisi de rénover lui-même une kominka (maison traditionnelle) de près de 130 ans pour y établir son restaurant il y a quatre ans. Dans une grande salle, ancienne pièce à vivre du bâtiment, une longue table en bois fait face à la cuisine ouverte avec son îlot central et son four à bois, où s’affairent le chef et son acolyte. Diner à Arutokoro est une expérience hors du temps. Le menu y est fixe et composé au fil des saisons. Une dizaine de mets s’y succèdent avec des ingrédients sélectionnés pour leur fraîcheur et leur finesse, comme les poissons dont la chair tendre présentée sous forme de sushi rappellerait presque celle de la viande. Les légumes n’y sont pas en reste, comme ceux fourrés dans le ganmodoki, une galette de tofu frit accompagnée de bouillon maison. Car le chef Hirakawa fait tout lui-même, y compris la pâte miso destinée à la fameuse soupe.
Le chef Hirakawa Sunao du restaurant Arutokoro ©Rebecca Zissmann
Chez Arutokoro, le maître mot est l’hospitalité. On s’y sent à la maison, guidé par les recommandations et explications du chef, par ailleurs aux petits soins. Cela se ressent de l’entrée au dessert, alors que sont servies en ultime bouchée des yaki-imo (patate douce rôtie) encore chaudes et couronnées de glace à la vanille. Le chef Hirakawa les a mises à cuire à petit feu dans un poêle au coin de la pièce au moment où les invités sont arrivés. Elles ont rôti pendant toute la durée du repas, d’environ une heure trente, symbole de l’attention accordée par l’équipe de Arutokoro aux petits détails. Une attention portée aussi sur la vaisselle, un bel assortiment de céramiques de la région, les fameuses Karatsu-yaki.
Intérieur du restaurant Arutokoro (gauche) et dessert de yaki-imo (droite) ©Rebecca Zissmann
Car la région est au centre de la cuisine du chef Hirakawa qui sublime les saveurs des produits de Saga qu’il n’a de cesse de redécouvrir. Et cela, des plats jusqu’à la carte des vins et spiritueux, qui met à l’honneur des crus locaux. Un choix qui a porté ses fruits puisqu’en 2019, Arutokoro s’est vu octroyer une étoile au guide Michelin. Une manière de récompenser une équipe talentueuse et la richesse d’une région dont les ressources naturelles pourraient bien représenter l’avenir.
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